À travers de courts récits qui se lisent comme des nouvelles, 17 psychanalystes racontent leur patient préféré, celui ou celle qui les a marqués, celui ou celle qui est venu les questionner sur leur pratique et/ou qui leur a permis de cheminer, d’avancer, et au final, de faire d’eux, peut-être, un « psy » différent. Car c’est de cela dont il est question : de cette intime relation qui se tisse entre deux êtres qui ne se connaissent pas au départ, de ce jeu de miroirs subtil qui marque autant les patients que leur psy, de cette lente « danse » dont on n’apprend les pas qu’au moment de la rencontre, chacune étant, à chaque fois, différente.
Un livre intelligent.
Extrait, page 79, Michael Larivière et Paul, Un cheval pour deux :
« Lorsque Paul entre pour la première fois dans le cabinet de Michael Larivière, il a vingt-trois ans. Il a déjà fait, chez un autre thérapeute, deux années d’analyse qui ne l’ont nullement apaisé. Il va très mal. Il fut un enfant immaîtrisable, en perpétuel échec scolaire, il est désormais un jeune homme perdu, qui boit en quantités inquiétantes, se drogue, multiplie les bagarres de rue, escalade, au mépris du danger, les grues, les façades, les échafaudages de la ville. Sa vie tient à un fil, une chute, une overdose et c’en sera fini de Paul et de ses vingt-trois ans.
Michael Larivière a dix années de plus que son jeune patient. Il est d’origine américaine, a ouvert son cabinet à Strasbourg, sept ans auparavant. À l’époque, il reçoit déjà ses patients, comme il le fait encore maintenant, un grand chien couché à ses pieds. Et ce qui le frappe, à l’instant même où Paul s’assoit pour la première fois face à lui, c’est son incroyable présence. Des yeux magnifiques, un corps long, élancé, le jeune homme ne prend visiblement aucun soin de son apparence mais son charisme, sa grâce impressionnent le psychanalyste. Et d’une voix douce, Paul se met à parler. Il dit les insomnies, les beuveries, le malheur depuis si longtemps. Mais il dit aussi d’autres choses. Paul a pratiqué les arts martiaux, et a, très vite, dépassé ses professeurs. Paul a fait de la danse, et s’est montré si doué qu’on a voulu, jadis, faire de lui une étoile. »
Violaine de Monclos.