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En cas d’amour

En cas d’amour, Anne Dufourmantelle

Quel livre puissant que celui commis par la regrettée psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle. Ici, point d’intrigue, pas de personnages sauf l’humanité tout entière dans sa recherche perpétuelle d’aimer et d’être aimé. Car c’est de cela dont nous parle, avec émotion, justesse et humilité, Anne Dufourmantelle. À travers son expérience de psychanalyste et certains cas de patients proprement sidérants, elle aborde le thème universel de l’amour et de ce qu’il déclenche entre passion brûlante, jalousie, désespérance et trahison. L’amour. Pas seulement celui qui lie deux amants mais celui qui relie, pour le meilleur ou pour le pire, parfois les deux à la fois, deux êtres : une mère et son enfant, un père et son enfant, deux frères, deux sœurs, un frère et une sœur et même un psychanalyste et son patient.

Que met-on dans l’amour ? Que recherche-t-on ? Que sommes-nous prêts à faire, accepter, donner ? À quoi sommes-nous prêts à renoncer ? Quelle figure incarne l’être aimé ?

C’est aussi sa pratique de psychanalyste qu’Anne Dufourmantelle interroge, ce qui se noue, se tisse entre un patient et son thérapeute, dans ce travail long, profond et délicat, de parole qu’elle définit magnifiquement : « La parole c’est du corps, du corps en bloc et en morceaux, des affects, des segments de vie, de mémoire, des rayures à la surface des mots, remplis comme des outres de souvenirs ».

À lire et à relire – avec la certitude qu’on n’en sortira pas indemne – tant En cas d’amour est riche !

Extrait, page 194 : « Comment parler de l’amour, de cette folie et de ces silences ? Quel est ce lien dont la nature secrète est de nouer un pacte impossible, prononcer un serment déjà délié de sa promesse ? Nous venons du deux. D’un ventre, d’un souffle, d’une parole, d’émotions qui se succèdent, de mouvements intimes et nous naissons à la solitude. Entourés, portés, mais seuls. La mélancolie qui nous habite tous vient de cette séparation initiale, impensable, cette déchirure a un reste en nous, inentamé. Une sorte d’accident radical qui nous fait chercher à l’intérieur de l’amour, la réminiscence de cet espace matriciel premier, ce refuge absolu où « je » n’existais pas encore. Cette recherche-là est assoiffée, incapable des jeux de l’érotisme où la différence déploie ses chatoiements. L’exil n’est qu’une répétition de cette expérience première fondatrice que nous oublions. Et la nostalgie qui l’accompagne. Il était une fois… Dans les contes, il faut affronter des périls pour qu’enfin la métamorphose libère le prince de ses habits de grenouille ou de chat. Le château endormi se réveille et avec lui ses habitants, la princesse endormie revient à elle et la malédiction est levée… On dit, c’est la vie. De traductions en traductions, la langue première s’est perdue et nous cherchons toujours à retrouver la résonance de sa prononciation en nous ».

 Anne Dufourmantelle.

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